Deuxième partie sur trois d’une interview de Sudhir Tiwari en avril 2018. Sujets abordés: la pratique des asanas et du pranayama.
Première partie | Troisième partie
Neda : La seconde pratique yoguique parmi les plus connues est certainement le Pranayam, donc quelle est la place du Pranayam dans le yoga traditionnel ?
Sudhir : Voyez-vous, le Pranayam, et j’insiste sur ce point, est vraiment une pratique très très importante. Pour simplifier, car cela prendrait trop de temps d’entrer dans les détails, les Yogis, il y a des milliers d’années, se sont rendu compte que le mental et le corps n’étaient pas deux entités séparées. Le corps dépend du mental et le mental dépend du corps, ce qui veut dire qu’ils sont interdépendants, ils sont interconnectés. Par exemple, si quelqu’un est malade physiquement, cela a un impact sur son mental. Il devient morose, parfois les gens deviennent légèrement déprimés. Ca c’est l’effet du corps sur le mental. Maintenant, à l’inverse, les gens ont parfois des problèmes au niveau du mental. Ça peut être de l’anxiété, ça peut être de la dépression, ça peut être autre chose qui a un impact sur le corps, donc il y a une interconnexion entre le corps et le mental.
Mais les yogis croyaient que l’effet du mental sur le corps était bien supérieur à celui du corps sur le mental. Par exemple, prenez une personne qui a un corps en pleine forme, mais un simple soupçon de peur va affecter son corps négativement. A l’inverse, prenez quelqu’un qui est affecté d’un point de vue physique. Par simple volonté, par la simple force de la détermination, nous avons vu des gens conquérir l’Everest. Donc le corps peut ne pas être parfait, mais par la simple force du mental, beaucoup est possible. Donc le yoga dit qu’il faut prendre soin du mental. De nos jours, même la science moderne croit que la plupart des maladies psychosomatiques prennent naissance dans le mental. Donc les effets du mental peuvent être ressentis au niveau physique et bien sûr au niveau psychique.
Ceci étant dit, il n’y a pas de moyen direct de contrôler le mental. Il n’existe pas de méthode directe pour le calmer, si je répète “Mental calme-toi, mental calme-toi, calme-toi”, il sera encore plus agité, donc les yogis ont découvert qu’il n’existe pas de moyen direct de calmer et de contrôler le mental, mais vous pouvez y parvenir au moyen de la respiration. Vous pouvez d’ailleurs le constater dans la vie de tous les jours. Observez votre souffle quand vous êtes anxieux ou en colère, vous remarquerez que le souffle est rapide, irrégulier, et dans certains cas rapide et peu profond. Observez votre souffle quand vous êtes calme, le souffle est calme, régulier, rythmé, donc les yogis ont dit qu’en entraînant le souffle nous pouvons calmer le mental, et un mental calme est la base de tout, d’où la pratique du Pranayam, parce que dans le Pranayam vous ne faites rien d’autre que calmer votre respiration.
Fort heureusement à l’époque où nous vivons, à Kaivalyadham et dans d’autres instituts, il y a tant de recherches menées sur le Pranayam en tant que pratique respiratoire et ses effets – réduction du stress, de l’hypertension, capacité à se concentrer, à rester calme. Voyez-vous, il y a des paramètres modernes qui sont utilisés pour augmenter le taux de GABA, et l’activation du système nerveux parasympathique, et ainsi de suite, donc maintenant on sait qu’il y a un lien direct entre la respiration et un fonctionnement calme du mental, et c’est là que le Pranayam entre en jeu.
Mais attention, il ne faut confondre Pranayam et respiration profonde. Les principes du Pranayam et de la respiration profonde sont complètement différents. La respiration yoguique est un protocole précis à suivre. La respiration profonde est totalement différente, donc il faut garder cela à l’esprit, d’où l’importance extrême d’apprendre le Pranayam sous la supervision d’un professeur qualifié.
Neda : y-a-t-il des dangers à la pratique des asanas et du Pranayam ?
Sudhir : Voyez-vous, prenons-les l’un après l’autre. Concernant les asanas, s’il sont exécutés selon la définition et la méthode donnée, et ici nous parlons pour des gens en bon état de santé. Quand il s’agit de personnes avec des antécédents médicaux, des problèmes comme une forte tension, ou d’autres, alors bien sûr il faut consulter un médecin, mais si les gens sont en bonne santé, et que vous pratiquez les asanas selon Patanjali il n’y a aucun danger à faires des asanas car, je le répète, un des principes fondamentaux du yoga est yathāśakti, selon ses capacités, il faut écouter son corps, ne pas le pousser trop loin, ne pas forcer. La force et le yoga ne font pas bon ménage, la force physique. Donc, de ce point de vue je dirais qu’il n’y aucun danger. Bien sûr dans la vie de tous les jours, lorsque vous marchez, vous êtes prudent, donc il faut rester prudent, quoi que vous fassiez. Si vous faites des asanas selon le protocole de Patanjali, il n’y aucun danger. Cependant, pour les gens qui ont des soucis de santé, évidemment vous en faites part à votre professeur, ou alors vous en parlez au docteur, c’est assez évident.
Maintenant, en ce qui concerne le Pranayam, voyez-vous, le Pranayam comporte différents cycles, il y a différents types de Pranayams, et la première chose à noter au sujet du Pranayam, c’est qu’il doit être pratiqué sous la supervision d’un professeur. Ce n’est pas comme regarder la télé ou lire un livre et essayer de faire du Pranayam en même temps, parce que vous travaillez avec votre souffle. C’est la règle numéro un.
Maintenant, si les pratiques de Pranayam ne sont pas exécutées correctement, alors là, oui, il y a des effets secondaires, mais je ne les considère pas comme des risques de la pratique. Comme je l’ai dit, même quand vous marchez, vous faites attention, même quand vous mangez vous restez prudent, vous mangez sans exagérer. Dans la vie, la prudence est une chose importante, c’est la même chose quand vous faites des pratiques de Pranayam, il faut rester prudent. Cependant je ne dirais pas qu’elles sont dangereuses à condition d’être guidé car le Pranayam doit être appris d’une personne qui sait. Si vous faites ça en regardant la télé, dans votre coin en pratiquant ce qui vous passe par la tête là bien sûr il y un risque inhérent, comme pour tout. Je le répète, il faut rester prudent.
La pratique du Pranayam quand il s’agit d’inspirer et expirer … Encore une fois, rappelez-vous pour ceux qui ne le sauraient pas, le Pranayam commence d’abord par l’entraînement de l’inspiration et de l’expiration. Seulement après on ajoute la troisième étape du Pranayam qui est la pause respiratoire. Il faut entraîner la pause respiratoire entre les respirations. Donc tant qu’il s’agit de l’inspiration et de l’expiration, il n’y a aucun danger. Par contre, à un état avancé de Pranayam lorsque la rétention est introduite, alors là il faut être supervisé par un professeur. Donc c’est un aspect important à garder à l’esprit.